Page:Michelet - Œuvres complètes Vico.djvu/478

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guerre leur principe fondamental ; la guerre elle-même, polemos, tira son nom de polis, cité… Cette éternelle inimitié des peuples jette beaucoup de jour sur le récit qu’on lit dans Tite-Live, de la première guerre d’Albe et de Rome. Les Romains, dit-il, avaient longtemps fait la guerre contre les Albains, c’est-à-dire que les deux peuples avaient longtemps auparavant exercé réciproquement ces brigandages dont nous parlons. L’action d’Horace qui tue sa sœur pour avoir pleuré Curiace, devient plus vraisemblable si l’on suppose qu’il était, non son fiancé, mais son ravisseur[1]. Il est bien digne de remarque que, par ce genre de convention, la victoire de l’un des deux peuples devait être décidée par l’issue du combat des principaux intéressés, tels que les trois Horaces et les trois Curiaces dans la guerre d’Albe, tels que Pâris et Ménélas dans la guerre de Troie. De même, quand la barbarie antique reparut au moyen âge, les princes décidaient eux-mêmes les querelles nationales par des combats singuliers, et les peuples se soumettaient à ces sortes de jugements. Albe, ainsi considérée, fut la Troie latine, et l’Hélène romaine fut la sœur d’Horace. Les dix ans[2] du siège de Troie célébrés chez les

  1. Comment expliquer cette prétendue alliance, quand Romulus lui-même, sorti du sang des rois d’Albe, vengeur de Numitor auquel il avait rendu le trône, ne put trouver de femme chez les Albains. (Vico.)
  2. Le nombre, chose la plus abstraite de toutes, fut la dernière que comprirent les nations. Pour désigner un grand nombre, on se servit d’abord de celui de douze : de là les douze grands dieux, les douze travaux d’Hercule, les douze parties de l’as, les Douze Tables, etc. Les Latins ont conservé d’une époque où l’on connaissait mieux les nombres, leur mot sexcenti, et les Italiens, cento, et ensuite cento e mille, pour dire un nombre innombrable. Les philosophes seuls peuvent arriver à l’idée d’infini. (Vico.)