Page:Michelet - Œuvres complètes Vico.djvu/535

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ces choses sont au plus haut degré conformes entre elles et uniformes dans leurs sujets. Or, ces tableaux passionnés ne furent jamais faits avec plus d’avantage que par les Grecs des temps héroïques, à la fin desquels vint Homère… Aristote dit avec raison, dans sa Poétique, qu’Homère est un poète unique pour les fictions. C’est que les caractères poétiques dont Horace admire dans ses ouvrages l’incomparable vérité, se rapportèrent à ces genres créés par l’imagination (generi fantastici), dont nous avons parlé dans la métaphysique poétique. A chacun de ces caractères les peuples grecs attachèrent toutes les idées particulières qu’on pouvait y rapporter, en considérant chaque caractère comme un genre. Au caractère d’Achille, dont la peinture est le principal sujet de l’Iliade, ils rapportèrent toutes les qualités propres à la vertu héroïque, les sentiments, les mœurs qui résultent de ces qualités, l’irritabilité, la colère implacable, la violence qui s’arroge tout par les armes (Horace). Dans le caractère d’Ulysse, principal sujet de l’Odyssée, ils firent entrer tous les traits distinctifs de la sagesse héroïque, la prudence, la patience, la dissimulation, la duplicité, la fourberie, cette attention à sauver l’exactitude du langage, sans égard à la réalité des actions, qui fait que ceux qui écoutent se trompent eux-mêmes. Ils attribuèrent à ces deux caractères les actions particulières dont la célébrité pouvait assez frapper l’attention d’un peuple encore stupide pour qu’il les rangeât dans l’un ou dans l’autre genre. Ces deux caractères, ouvrages d’une nation tout entière, devaient nécessairement présenter dans leur conception une heureuse uniformité : c’est dans cette uniformité, d’accord avec le sens commun d’une nation