Page:Michelet - Œuvres complètes Vico.djvu/580

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Aristote, devait les forcer de recourir au duel. D’ailleurs deux traditions fameuses de l’antiquité grecque et latine prouvent que les peuples commençaient souvent les guerres (duella, chez les anciens Latins) en décidant par un duel la querelle particulière des principaux intéressés ; je parle du combat de Ménélas contre Pâris, et des trois Horaces contre les trois Curiaces ; si le combat restait indécis, comme dans le premier cas, la guerre commençait.

Dans ces jugements par les armes, ils estimaient la raison et le bon droit d’après le hasard de la victoire. Ils durent tomber dans cette erreur par un conseil exprès de la Providence : chez des peuples barbares, encore incapables de raisonnement, les guerres auraient toujours produit des guerres, s’ils n’eussent jugé que le parti auquel les dieux se montraient contraires était le parti injuste. Nous voyons que les Gentils insultaient au malheur du saint homme Job, parce que Dieu s’était déclaré contre lui. Lorsque la barbarie antique reparut au moyen âge, on coupait la main droite au vaincu, quelque juste que fût sa cause. C’est cette justice présumée du plus fort qui à la longue légitime les conquêtes ; ce droit imparfait est nécessaire au repos des nations.

Les jugements héroïques, récemment dérivés des jugements divins, ne faisaient point acception de causes ou de personnes, et s’observaient avec un respect scrupuleux des paroles. Des jugements divins resta ce qu’on appelait la religion des paroles, religio verborum ; généralement les choses divines sont exprimées par des formules consacrées dans lesquelles on ne peut changer une lettre ; aussi dans les anciennes formules