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LA CROISADE

premier[1]. Toutefois, d’avoir violé la ville de saint Pierre et chassé le pape, ce fut une grande tristesse pour cette âme pieuse. Dès que la croisade fut publiée, il vendit ses terres à l’évêque de Liège, et partit pour la terre sainte. Il avait dit souvent, étant encore tout petit, qu’il voulait aller avec une armée à Jérusalem[2]. Dix mille chevaliers le suivirent avec soixante-dix mille hommes de pied, Français, Lorrains, Allemands.

Godefroi appartenait aux deux nations ; il parlait les deux langues. Il n’était pas grand de taille, et son frère Beaudoin le passait de la tête ; mais sa force était prodigieuse. On dit que d’un coup d’épée il fendait un cavalier de la tête à la selle ; il faisait voler d’un revers la tête d’un bœuf ou d’un chameau[3]. En Asie, s’étant écarté, il trouva dans une caverne un des siens aux prises avec un ours : il attira la bête sur lui, et la tua, mais resta longtemps alité de ses cruelles morsures. Cet homme héroïque était d’une pureté singulière. Il ne se maria point, et mourut vierge à trente-huit ans[4].

Le concile de Clermont s’était tenu au mois de novembre 1095. Le 15 août 1096, Godefroi partit avec les Lorrains et les Belges, et prit sa route par l’Allemagne et la Hongrie. En septembre, partirent le fils de

  1. La fatigue lui causa une fièvre violente, il fit vœu de se croiser et fut guéri. (Albéric.)
  2. Guibert de Nogent. — Sa mère, sainte Ida, rêva un jour que le soleil descendait dans son sein. Cela signifiait, dit le biographe contemporain, que des rois sortiraient d’elle.
  3. Robert-le-Moine. — Une autre fois il coupa un Turc par le milieu du corps… « Turcus duo factus est Turci : ut inferior alter in urbem equitaret, alter arcitenens in flumine nataret. » (Raoul de Caen.)
  4. Il avait amené une colonie de moines qu’il établit à Jérusalem.