Page:Michelet - OC, Histoire de France, t. 2.djvu/335

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
325
INNOCENT III

le roi d’Angleterre et le roi de France ; les deux premiers, ennemis du pape. L’empereur était le plus près. C’était l’habitude de l’Allemagne d’inonder périodiquement l’Italie[1], puis de refluer, sans laisser grande trace. L’empereur s’en venait, la lance sur la cuisse, par les défilés du Tyrol, à la tête d’une grosse et lourde cavalerie, jusqu’en Lombardie, à la plaine de Roncaglia. Là paraissaient les juristes de Ravenne et Bologne, pour donner leur consultation sur les droits impériaux. Quand ils avaient prouvé en latin aux Allemands que leur roi de Germanie, leur César, avait tous les droits de l’ancien empire romain, il allait à Monza près Milan, au grand dépit des villes, prendre la couronne de fer. Mais la campagne n’était pas belle, s’il ne poussait jusqu’à Rome et ne se faisait couronner de la main du pape. Les choses en venaient rarement jusque-là. Les barons allemands étaient bientôt fatigués du soleil italien ; ils avaient fait leur temps loyalement, ils s’écoulaient peu à peu ; l’empereur presque seul repassait, comme il pouvait, les monts. Il emportait du moins une magnifique idée de ses droits. Le difficile était de la réaliser. Les seigneurs allemands, qui avaient écouté patiemment les docteurs de Bologne, ne permettaient guère à leur chef de pratiquer ces leçons. Il en prit mal de l’essayer aux plus grands empereurs, même à Frédéric-Barberousse. Cette idée

  1. « L’Allemagne, du sein de ses nuages, lançait une pluie de fer sur l’Italie. » (Cornel. Zanfliet.) Rome se détendait par son climat :

    Roma, ferax febrium, necis est uberrima frugum ;
    Romanæ febres stabili sunt jure fideles.

    (Pierre Damien.)