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LOUIS IX

tendi ses mains jointes au ciel, et dist : Biau sire Diex, aies merci de ce pueple qui ici demeure, et le condui en son pais, que il ne chiée en la main de ses anemis, et que il ne soit contreint renier ton saint nom.

« En la nuit devant le jour que il trespassast, endementières (tandis) que il se reposoit, il souspira et dit bassement : « O Jérusalem ! ô Jérusalem[1] ! »

La croisade de saint Louis fut la dernière croisade. Le moyen âge avait donné son idéal, sa fleur et son fruit : il devait mourir. En Philippe-le-Bel, petit-fils de saint Louis, commencent les temps modernes ; le moyen âge est souffleté en Boniface VIII, la croisade brûlée dans la personne des Templiers.

L’on parlera longtemps encore de croisade, ce mot sera souvent répété : c’est un mot sonore, efficace pour lever des décimes et des impôts. Mais les grands et les papes savent bien entre eux ce qu’ils doivent en penser[2]. Quelque temps après (1327), nous voyons le Vénitien Sanuto proposer au pape une croisade commerciale : « Il ne suffisait pas, disait-il, d’envahir l’Égypte, il fallait la ruiner. » Le moyen qu’il propo-

  1. Petri de Condeto epist.
  2. Pétrarque raconte qu’une fois on délibérait à Rome sur le chef que l’on donnerait à une croisade. Don Sanche, fils d’Alphonse, roi de Castille, fut choisi. Il vint à Rome, et fut admis au consistoire, où l’élection devait se faire. Comme il ignorait le latin, il fit entrer avec lui un de ses courtisans pour lui servir d’interprète. Don Sanche ayant été proclamé roi d’Égypte, tout le monde applaudit à ce choix. Le prince, au bruit des applaudissements, demanda à son interprète de quoi il était question. « Le pape, lui dit l’interprète, vient de vous créer roi d’Égypte. — Il ne faut pas être ingrat, répondit don Sanche, lève-toi et proclame le saint-père calife de Bagdad. »