Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 1.djvu/187

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seize ou quatre-vingt-dix-huit centièmes contre quatre centièmes (selon Sieyès), deux centièmes (selon Necker). Pourquoi donner à ces deux ou quatre centièmes une si énorme importance ? Ce n’était pas, à coup sûr, pour ce qu’ils gardaient de puissance morale, ils n’en avaient plus ; c’était dans la réalité parce que toute la grande propriété du royaume, les deux tiers des terres, étaient dans leurs mains. Mounier était l’avocat de la propriété contre la population, de la terre contre l’homme. Point de vue féodal, anglais et matérialiste ; Sieyès avait donné la vraie formule française.

Avec l’arithmétique de Mounier, sa justesse injuste, avec l’équivoque de Mirabeau, la nation restait une classe, et la grande propriété, la terre, constituait aussi une classe en face de la nation. Nous restions dans l’injustice antique ; le Moyen-âge continuait le système barbare où la glèbe compta plus que l’homme, où la terre, le fumier, la cendre, furent suzerains de l’esprit.

Sieyès, mis aux voix d’abord, eut près de cinq cents voix pour lui, et il n’y eut pas cent opposants[1]. Donc l’assemblée fut proclamée Assemblée nationale. Beaucoup crièrent : « Vive le roi ! »

Deux interruptions vinrent encore, comme pour arrêter l’Assemblée, l’une de la Noblesse, qui envoyait sous un prétexte ; l’autre de certains députés qui voulaient qu’avant tout on créât un président, un bureau

  1. 491 voix contre 90. Mirabeau n’osa voter ni pour ni contre, et resta chez lui.