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ils rencontrèrent de grandes difficultés. Tous ne furent pas dupes ; la ville d’Orléans n’élut pas le prince, et, par représailles, il lui retira brusquement les bienfaits par lesquels il avait cru acheter son élection.

Rien n’avait été épargné cependant, ni l’argent, ni l’intrigue. Ceux qui conduisaient l’affaire avaient imaginé de coller une brochure tout entière de Sieyès aux instructions électorales que le duc envoyait dans ses domaines, et de placer ainsi leur maître sous l’affiche et le patronage du grand penseur, alors si populaire, qui n’avait pourtant nul rapport avec le duc d’Orléans.

Quand les Communes firent le pas décisif de prendre le titre d’Assemblée nationale, on avertit le duc d’Orléans que le moment était venu de se montrer, de parler, d’agir, qu’un chef de parti ne pouvait rester un personnage muet. On obtint de lui qu’il lirait au moins un discours de quatre lignes pour engager la Noblesse à se réunir au Tiers. Il le fit, mais, en lisant, le cœur lui faillit, il se trouva mal. On vit, en le déboutonnant, que, dans la crainte d’être assassiné par la cour, ce prince trop prudent mettait, en guise de cuirasse, cinq ou six gilets l’un sur l’autre[1].

Le jour du coup d’État manqué (23 juin), le duc crut le roi perdu, et lui roi demain ou après ; il ne put cacher sa joie[2]. La terrible fermentation de

  1. Ferrières, I, 52.
  2. Arthur Young, qui dînait avec lui et d’autres députés, était scandalisé de le voir rire sous cape.