Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 1.djvu/299

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Jacobins, et ils fonderont les Cordeliers. Pour le moment, tout est mêlé ; le grand club de cent clubs, parmi les cafés, les jeux et les filles, c’est encore le Palais-Royal. C’est là que, le 12 juillet, Desmoulins cria : « Aux armes ! » C’est là que, la nuit du 13 au 14, se firent les jugements de Flesselles et de De Launay. Ceux du comte d’Artois, des Condé, des Polignac, leur furent expédiés à eux-mêmes ; ils eurent l’étonnant effet, qu’on aurait à peine attendu de plusieurs batailles, de les faire partir de France. De là une prédilection funeste pour les moyens de terreur, qui avaient si bien réussi. Desmoulins, dans le discours qu’il fait tenir à la lanterne de la Grève, lui fait dire : « Que les étrangers sont en extase devant elle ; qu’ils admirent qu’une lanterne ait fait plus en deux jours que tous leurs héros en cent ans[1]. »

Desmoulins renouvelle avec une verve intarissable la vieille plaisanterie qui remplit tout le Moyen-âge sur la potence, la corde, les pendus, etc. Ce supplice hideux, atroce, qui rend l’agonie risible, était le texte ordinaire des contes les plus joyeux, l’amusement du populaire, l’inspiration de la basoche. Celle-ci trouva tout son génie dans Camille Desmoulins. Le jeune avocat picard, très léger d’argent, plus léger de caractère, traînait sans cause au Palais, lorsque la Révolution le fit tout à coup plaider au

  1. Camille Desmoulins, Discours de la lanterne aux Parisiens, p. 2. — Il insinue cependant assez adroitement que ces jugements rapides ne sont pas sans inconvénient, qu’ils prêtent à quelques méprises, etc.