Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 1.djvu/355

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L’attendrissement, l’exaltation, étaient montés, de proche en proche, à un point extraordinaire. Ce n’était dans toute l’Assemblée qu’applaudissements, félicitations, expressions de bienveillance mutuelle. Les étrangers présents à la séance étaient muets d’étonnement ; pour la première fois, ils avaient vu la France, toute sa richesse de cœur… Ce que des siècles d’efforts n’avaient pas fait chez eux, elle venait de le faire en peu d’heures par le désintéressement et le sacrifice… L’argent, l’orgueil immolé, toutes les vieilles insolences héréditaires, l’antiquité, la tradition même… le monstrueux chêne féodal abattu d’un coup, l’arbre maudit dont les branches couvraient la terre d’une ombre froide, tandis que ses racines infinies allaient dans les profondeurs chercher, sucer la vie, l’empêcher de monter à la lumière…

Tout semblait fini. Une scène non moins grande commençait.

Après les privilèges de classes vinrent ceux des provinces.

Celles qu’on appelait pays d’États, qui avaient des privilèges à elles, des avantages divers pour les libertés, pour l’impôt, elles voulurent être France, quoi qu’il pût en coûter à leur intérêt personnel, à leurs vieux et chers souvenirs.

Le Dauphiné, dès 1788, l’avait offert magnanimement pour lui-même, conseillé aux autres provinces. Il renouvela cette offre. Les plus obstinés, les Bretons, quoique liés par leurs mandats, liés par les