Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 1.djvu/99

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padour, et les économistes, et les philosophes, et les étrangers, tout le monde. Tous admirent la longanimité de ce peuple ; c’est Job entre les nations. Ô douceur, ô patience… Walpole en rit, moi j’en pleure. Il aime encore, ce peuple infortuné ! Il croit encore, il s’obstine à espérer. Il attend toujours un sauveur ; et quel ? Son dieu-homme, son roi.

Risible, touchante idolâtrie… Ce roi, ce dieu, que fera-t-il ? Il n’a ni la volonté forte, ni le pouvoir peut-être, de guérir le mal profond, invétéré, universel, qui ronge cette société, qui l’altère et qui l’affame, qui a bu ses veines et séché ses os.

Ce mal c’est que, du plus haut au plus bas, elle est organisée pour produire de moins en moins et payer de plus en plus. Elle ira toujours grandissant, donnant, après le sang, la moelle, et il n’y aura pas de fin, jusqu’à ce qu’ayant atteint le dernier souffle vital, au point de le perdre, les convulsions de l’agonie la relèvent, remettent sur ses jambes ce corps faible et pâle… Faible ?… redevenu peut-être fort par la fureur !

Creusons, s’il vous plaît, ce mot : produisant de moins en moins. Il est exact à la lettre.

Dès Louis XIV, les Aides pèsent déjà tellement qu’à Mantes, à Étampes, et ailleurs, on arrache toutes les vignes.

Le paysan n’ayant point de meubles à saisir, le fisc n’a nul objet de saisie que le bétail ; il extermine peu à peu. Plus d’engrais. La culture des céréales, étendue au dix-septième siècle par d’immenses défri-