Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 3.djvu/324

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Le jour baisse vite en octobre, il était déjà fort noir. Les amis des prisonniers étaient parvenus à franchir les portes et couraient à Sorgues avertir Mulot et le général Ferrier. Celui-ci recevait aussi les envoyés de Duprat ; il avertissait Ferrier que le moindre mouvement de sa part allait relever les aristocrates, détruire la seule force du parti français, la Terreur ; Avignon allait se souvenir qu’elle avait trente mille hommes, écraser Jourdan. Quoi que pût dire l’abbé Mulot, le général s’obstina à répondre qu’il n’était pas en force. Mulot, désespéré, envoya un tambour, puis un trompette à la ville ; on n’y fit nulle attention.

Il paraît qu’à cette heure même il y avait hésitation, division entre les meneurs. Les hommes de plume voulaient un massacre général, les militaires un jugement. Jourdan, sur qui l’exécution devait retomber, semblerait avoir été du dernier avis. Il était un peu étonné de sa solitude ; il n’avait pu encore réunir que cent cinquante hommes pour garder l’immense étendue du palais des papes. Le bruit du massacre n’allait-il pas attirer sur le palais tout le peuple réveillé de sa stupeur ? Parmi les gens arrêtés, il y avait un certain Rey, un membre de la corporation redoutable des portefaix d’Avignon, homme populaire, aimé, connu par sa force singulière. Et les autres, ces aristocrates, d’entre eux tous pas un n’était noble ; la femme d’un imprimeur, celle d’un apothicaire, un curé, un maître menuisier, qui était