Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 3.djvu/328

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que j’ai recueillie de la bouche des personnes âgées, dit que, quand on exhuma les victimes des fureurs révolutionnaires, on trouva plus bas encore quantité d’autres ossements jetés là par l’Inquisition. La chose paraît bien vraisemblable, quand on sait que ses victimes ne pouvaient pas être enterrées. Les jeter aux champs, c’eût été les rendre aux mains pieuses des familles, leur sauver la partie du supplice qui effrayait le plus peut-être les faibles imaginations. Ne rentrer jamais dans la terre, ne reposer jamais au sein maternel de la nourrice commune, c’était, pour ainsi parler, la damnation du corps, ajoutée à celle de l’âme. Cette âme, non calmée au cercueil, errait, larve infortunée, pour l’épouvante des vivants ; elle se traînait, le soir, et, dans l’ombre, venait avertir ses parents du redoublement de supplice attaché par la vengeance de l’Église à ceux qu’elle avait condamnés.

L’exemple le plus célèbre est celui de l’empereur Henri IV, qui, comme excommunié et souillant les éléments, ne put, à sa mort, rester ni sur terre ni dans la terre. Son corps gisait, longues années, caché, mais non inhumé, dans une profonde cave de Worms.

Tout grand centre d’inquisition devait avoir un tel charnier pour ceux que la sentence condamnait à rester sans sépulture. Lieu de mort, lieu de supplice. Le plus terrible, sans nul doute, pour les âmes de fer que rien ne pouvait dompter, qui riaient de la torture, c’était d’être jeté vivant dans la grande