Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 3.djvu/484

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On ne pouvait attendre les vingt mille fédérés du 14 juillet. Le péril était imminent. L’épée de La Fayette était suspendue sur Paris, qui de plus avait dans les reins le poignard royaliste. Chaque jour, aux Jacobins, on bavardait sur les personnes : on oubliait les choses et les réalités. Robespierre, d’un torrent d’eau tiède, détrempait les résolutions. Sa manie était d’empêcher l’arrivée des vingt mille, de pousser l’Assemblée à révoquer son décret, ce qui était remettre l’épée dans le fourreau.

De combattre Robespierre aux Jacobins il n’y fallait songer. Danton y eût échoué. Il fallait le neutraliser indirectement. Il fallait ébranler la société, la faire sortir de la prudence bourgeoise, la remuer de la voix tonnante du peuple, de sorte que, si la cour et les Feuillants tentaient un coup d’État avec l’épée de La Fayette, on pût y répondre à l’instant par un grand mouvement de Paris, sans que les Jacobins y contredisent. Contre le général, contre l’armée qu’il entraînerait peut-être, il fallait l’armée populaire.

Danton, en qui était une vie si puissante, à qui vibrait toute vie, eut toujours sous la main un vaste clavier d’hommes dont il pouvait jouer, des gens de lettres, des hommes d’exécution, des fanatiques, des intrigants, parfois des héros même, la gamme immense et variée des bonnes et mauvaises passions. Comme le fondeur intrépide qui, pour liquéfier le métal en fusion, y jetait pêle-mêle ses plats et ses assiettes, les vases ignobles et sales, qui, fondus