Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 3.djvu/62

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longueur des Tuileries. On fit aller la voiture jusqu’aux marches de la large terrasse qui s’étend devant le palais. Là, il fallait bien descendre ; là, des hommes furieux, des tigres, attendaient, espéraient une proie ; ils supposaient que, le roi une fois descendu, les trois courriers seraient sans défense. Le roi resta dans la voiture. On avertit l’Assemblée, qui envoya vingt députés ; mais ce secours eût été inutile si les gardes nationaux, se réunissant en cercle, n’eussent croisé les baïonnettes sur la tête des trois malheureux ; encore, par-dessous, reçurent-ils de légères blessures. Le roi alors et la reine descendirent. Deux députés qu’elle regardait comme ses ennemis personnels, Aiguillon et Noailles, étaient là pour la recevoir et veiller à sa sûreté ; ils lui offrirent la main et, sans lui dire un mot, la menèrent rapidement au palais, parmi les malédictions. Elle se croyait perdue dans leurs mains, pensant qu’ils voulaient la livrer au peuple ou l’enfermer seule dans quelque prison. Elle eut ensuite une autre angoisse ; elle ne vit plus son fils… Avait-il été étouffé ? ou voulait-on le séparer d’elle ? Elle le retrouva enfin heureusement ; on l’avait enlevé, porté dans les bras, jusqu’à son appartement.

Sauf ces groupes de furieux qui voulaient tuer les gardes du corps, l’impression générale de la foule, tout indignée qu’elle parut, était au fond très mêlée. Il était peu d’hommes qui, devant une telle chute, une telle humiliation, n’éprouvassent quelque