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LES FEMMES DE LA RÉVOLUTION

Cela avait commencé à Lyon ; les exécutions trop fréquentes avaient blasé les spectateurs ; un d’eux disait en revenant : « Que ferais-je pour être guillotiné ? » Cinq prisonniers à Paris échappent aux gendarmes ; ils avaient voulu seulement aller encore au Vaudeville. L’un revient au tribunal : « Je ne puis plus retrouver les autres. Pourriez-vous me dire où sont nos gendarmes ? Donnez-moi des renseignements. »

De pareils signes indiquaient trop que décidément la Terreur s’usait. Cet effort contre nature ne pouvait plus se soutenir. La nature, la toute-puissante, l’indomptable nature, qui ne germe nulle part plus énergiquement que sur les tombeaux, reparaissait victorieuse sous mille formes inattendues. La guerre, la terreur, la mort, tout ce qui semblait contre elle lui donnait de nouveaux triomphes. Les femmes ne furent jamais si fortes. Elles se multipliaient, remuaient tout. L’atrocité de la loi rendait quasi légitimes les faiblesses de la grâce. Elles disaient hardiment, en consolant le prisonnier : « Si je ne suis bonne aujourd’hui, il sera trop tard demain. Le matin, on rencontrait de jolis jeunes imberbes menant le cabriolet bride abattue ; c’étaient des femmes humaines qui sollicitaient, couraient les puissants du jour. De là, aux prisons, la charité les menait loin. Consolatrices du dehors, ou prisonnières du dedans, aucune ne disputait. Être enceinte, pour ces dernières, c’était une chance de vivre.

Un mot était répété sans cesse, employé à tout : La nature ! suivre la nature ! Livrez-vous à la nature,