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LES FEMMES À LA FÉDÉRATION

Personne, dans ces grandes fêtes, n’était simple témoin ; tous étaient acteurs, hommes, femmes, vieillards, enfants, tous, depuis le centenaire jusqu’au nouveau-né ; et celui-ci plus qu’un autre.

On l’apportait, fleur vivante, parmi les fleurs de la moisson. Sa mère l’offrait, le déposait sur l’autel. Mais il n’avait pas seulement le rôle passif d’une offrande, il était actif aussi, il comptait comme personne, il faisait son serment civique par la bouche de sa mère, il réclamait sa dignité d’homme et de Français, il était déjà mis en possession de la patrie, il entrait dans l’espérance.

Oui, l’enfant, l’avenir, c’était le principal acteur. La commune elle-même, dans une fête du Dauphiné, est couronnée dans son principal magistrat par un jeune enfant. Une telle main porte bonheur. Ceux-ci, que je vois ici, sous l’œil attendri de leurs mères, déjà armés, pleins d’élan, donnez-leur deux ans seulement, qu’ils aient quinze ans, seize ans, ils partent : 92 a sonné ; ils suivent leurs aînés à Jemmapes. Ceux-ci, plus petits encore, dont le bras paraît si faible, ce sont les soldats d’Austerlitz… Leur main a porté bonheur ; ils ont rempli ce grand augure, ils ont couronné la France ! Aujourd’hui même, faible et pâle, elle siège sous cette couronne éternelle et impose aux nations.

Grande génération, heureuse, qui naquit dans une telle chose, dont le premier regard tomba sur cette vue sublime ! Enfants apportés, bénis à l’autel de la patrie, voués par leurs mères en pleurs, mais résignées, héroïques, donnés par elles à la France… ah ! quand on naît ainsi, on ne peut plus jamais mourir…