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INFLUENCE DES FEMMES AU DIX-HUITIÈME SIÈCLE

fille, bien longtemps avant l’enfant : « Ah ! qu’il soit heureux, cet enfant ! qu’il soit bon et grand ! qu’il soit libre !… Sainte liberté antique, qui fis les héros, mon fils vivra-t-il dans ton ombre ?… » Voilà les pensées des femmes, et voilà pourquoi dans ces places, dans ces jardins où l’enfant joue sous les yeux de sa mère ou de sa sœur, vous les voyez rêver et lire. Quel est ce livre que la jeune fille, à votre approche, a si vite caché dans son sein ? Quelque roman ? l’Héloïse ? Non, plutôt les Vies de Plutarque, ou le Contrat social.

La puissance des salons, le charme de la conversation, furent alors, quoi qu’on ait dit, secondaires dans l’influence des femmes. Elles avaient eu ces moyens au siècle de Louis XIV. Ce qu’elles eurent de plus au dix-huitième, et qui les rendit invincibles, fut l’amour enthousiaste, la rêverie solitaire des grandes idées, et la volonté d’être mères, dans toute l’extension et la gravité de ce mot.

Les spirituels commérages de Mme Geoffrin, les monologues éloquents de Mme de Staël, le charme de la société d’Auteuil, de Mme Helvétius ou de Mme Récamier, n’auraient pas changé le monde, encore moins les femmes scribes, la plume infatigable de Mme de Genlis.

Ce qui, dès le milieu du siècle, changea toute la situation, c’est qu’en ces premières lueurs de l’aurore d’une nouvelle foi, au cœur des femmes, au sein des mères, se rencontrèrent deux étincelles : humanité, maternité.

Et de ces deux étincelles, ne nous en étonnons pas, sortit un flot brûlant d’amour et de féconde passion, une maternité surhumaine.