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Page:Mignet - Histoire de la Révolution française, 1838.djvu/100

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RÉVOLUTION FRANÇAISE.

tionale ? On parle du serment que nous avons fait le 20 juin, sans songer qu’il ne saurait infirmer celui que nous avions fait à nos commettants. Et puis, messieurs, la constitution est achevée, il ne vous reste qu’à déclarer que le roi possède la plénitude du pouvoir exécutif ; nous ne sommes ici que pour assurer au peuple français le droit d’influer sur sa législation, pour établir, que l’impôt sera consenti par le peuple, pour assurer notre liberté. Oui, la constitution est faite, et je m’oppose à tout décret qui limiterait les droits du peuple sur les représentants. Les fondateurs de la liberté doivent respecter la liberté de la nation : elle est au-dessus de nous ; et nous détruisons notre autorité en bornant l’autorité nationale. »

Les applaudissements du côté droit accueillirent ces paroles de l’abbé Maury. Mirabeau monta sur-le-champ à la tribune. « On demande, dit-il, depuis quand les députés du peuple sont devenus convention nationale. Je réponds : C’est le jour où trouvant l’entrée de leurs séances environnée de soldats, ils allèrent se réunir dans le premier endroit où ils purent se rassembler, pour jurer de plutôt périr que de trahir et d’abandonner les droits de la nation. Nos pouvoirs, quels qu’ils fussent, ont changé ce jour de nature ; quels que soient les pouvoirs que nous avons exercés, nos efforts, nos travaux, les ont légitimés, l’adhésion de la nation les a sanctifiés. Vous vous rappelez tous le mot de ce grand homme de l’antiquité, qui avait négligé les formes légales pour sauver sa patrie. Sommé par un tribun factieux de dire s’il avait observé les lois, il répondit : Je jure que j’ai sauvé la patrie ! Messieurs (en se tournant vers les députés des communes), je jure que vous avez sauvé la France ! » L’assemblée entière se leva, par un mouvement spontané, et déclara que sa session ne finirait qu’au moment où son œuvre serait accomplie.

Les tentatives contre-révolutionnaires se multiplièrent vers le même temps au dehors de l’assemblée. On essaya de séduire ou de désorganiser l’armée, mais l’assemblée prit de sages mesures à cet égard ; elle attacha les troupes à la révolution, en