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Page:Mignet - Histoire de la Révolution française, 1838.djvu/181

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ASSEMBLÉE NATIONALE LÉGISLATIVE.

tribunal criminel extraordinaire. Ce tribunal condamna quelques personnes ; mais il parut trop peu expéditif à la commune, qui avait conçu les plus terribles projets.

Elle avait à sa tête Marat, Panis, Sergent, Duplain, Lenfent, Lefort, Jourdeuil, ColIot-d’Herbois, Billaud-Varennes, Tallien, etc. Mais le chef principal de ce parti était alors Danton : plus que tout autre, il avait coopéré au 10 août. Pendant toute cette nuit, il avait couru des sections aux casernes des Marseillais et des Bretons, et de celles-ci aux faubourgs. Membre de la commune révolutionnaire, il avait dirigé ses opérations, et il avait été nommé ensuite au ministère de la justice.

Danton était un révolutionnaire gigantesque. Aucun moyen ne lui paraissait condamnable, pourvu qu’il lui fût utile ; et, selon lui, on pouvait tout ce qu’on osait. Danton, qu’on a nommé le Mirabeau de la populace, avait de la ressemblance avec ce tribun des hautes classes, des traits heurtés, une voix forte, un geste impétueux, une éloquence hardie, un front dominateur. Leurs vices aussi étaient les mêmes ; mais ceux de Mirabeau étaient d’un patricien, ceux de Danton d’un démocrate ; et ce qu’il y avait de hardi dans les conceptions de Mirabeau se retrouvait dans Danton, mais d’une autre manière, parce qu’il était, dans la révolution, d’une autre classe et d’une autre époque. Ardent, accablé de dettes et de besoins, de mœurs relâchées, s’abandonnant tour à tour à ses passions ou à son parti, il était formidable dans sa politique, lorsqu’il s’agissait d’arriver à son but, et redevenait nonchalant après l’avoir atteint. Ce puissant démagogue offrait un mélange de vices et de qualités contraires. Quoiqu’il se fût vendu à la cour, il n’était pourtant pas vil ; car il est des caractères qui relèvent jusqu’à la bassesse. Il se montra aussi exterminateur, sans être féroce ; inexorable à l’égard des masses, humain, généreux même pour les individus[1]. Une révolution, à ses yeux,

  1. À l’époque où la commune préparait les massacres du 2 septembre, il sauva tous ceux qui se présentèrent à lui ; il fit, de son plein mouvement, sortir de prison Duport, Barnave et Ch. Lameth, qui étaient en quelque sorte des adversaires personnels pour lui.