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Page:Mignet - Histoire de la Révolution française, 1838.djvu/202

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RÉVOLUTION FRANÇAISE.

derrière la Loire, et de transférer dans le Midi le gouvernement, si le Nord était envahi et Paris forcé ; ensuite la prédilection qu’ils montraient pour les provinces, et leur déchaînement contre les agitateurs de la capitale. Rien n’est plus aisé que de dénaturer une mesure en changeant l’époque dans laquelle cette mesure a été conçue, et de trouver dans la désapprobation des actes désordonnés d’une ville, le dessein de liguer contre elle toutes les autres villes de l’état. Aussi les Girondins furent désignés à la multitude comme des fédéralistes. Pendant qu’ils dénonçaient la commune et qu’ils accusaient Robespierre et Marat, les Montagnards faisaient décréter l’unité et l’indivisibilité de la république. C’était là une manière de les attaquer, et de faire planer sur eux le soupçon, quoiqu’ils adhérassent à ces propositions avec tant d’empressement, qu’ils semblaient regretter de ne les avoir pas faites eux-mêmes.

Mais une circonstance en apparence étrangère aux débats de ces deux partis, servit encore mieux les Montagnards. Déjà enhardis par les fausses tentatives qui avaient été dirigées contre eux, ils n’attendaient qu’une occasion pour devenir assaillants à leur tour. La convention était fatiguée de ces longues discussions : ceux de ses membres qu’elles ne concernaient point, ceux mêmes, dans les deux partis, qui n’étaient pas au premier rang, éprouvaient le besoin de la concorde, et voulaient qu’on s’occupât de la république. Il y eut une trêve apparente, et l’attention de l’assemblée se porta un moment sur la constitution nouvelle, que le parti montagnard fit abandonner pour statuer sur le sort du prince déchu. En cela, les chefs de l’extrême gauche furent poussés par plusieurs motifs : ils ne voulaient pas que les Girondins et les modérés de la Plaine, qui dirigeaient le comité de constitution, les uns par Pétion, Condorcet, Brissot, Vergniaud, Gensonné ; les autres par Barrère, Sièyes, Thomas Payne, organisassent la république. Ils auraient établi le régime de la bourgeoisie, en le rendant un peu plus démocratique que celui de 1791, tandis qu’ils aspiraient, eux, à constituer la multitude. Mais ils ne pouvaient