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Page:Mignet - Histoire de la Révolution française, 1838.djvu/225

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CONVENTION NATIONALE.

dispersèrent les conjurés. Le lendemain, Vergniaud dénonça le comité d’insurrection qui avait projeté ces meurtres, demanda que le conseil exécutif fût chargé de prendre des renseignements sur la conjuration du 10 mars, d’examiner les registres des clubs, et d’arrêter les membres du comité insurrecteur. « Nous marchons, s’écria-t-il, de crimes en amnisties, et d’amnisties en crimes. Un grand nombre de citoyens en est venu au point de confondre les insurrections séditieuses avec la grande insurrection de la liberté, de regarder les provocations des brigands comme les explosions d’âmes énergiques, et le brigandage même comme une mesure de sûreté générale. On a vu se développer cet étrange système de liberté d’après lequel on vous dit : Vous êtes libres, mais pensez comme nous, ou nous vous dénonçons aux vengeances du peuple ; vous êtes libres, mais courbez la tête devant l’idole que nous encensons, ou nous vous dénonçons aux vengeances du peuple ; vous êtes libres, mais associez-vous à nous pour persécuter les hommes dont nous redoutons la probité et les lumières, ou nous vous dénoncerons aux vengeances du peuple ! Citoyens, il est à craindre que la révolution, comme Saturne, ne dévore successivement tous ses enfants, et n’engendre enfin le despotisme avec les calamités qui l’accompagnent. » Ces prophétiques paroles produisirent quelque effet dans l’assemblée ; mais les mesures proposées par Vergniaud n’aboutirent à rien.

Les Jacobins furent arrêtés un moment par le mauvais succès de leur première entreprise contre leurs adversaires ; mais l’insurrection de la Vendée vint leur redonner de l’audace. La guerre de la Vendée était un événement inévitable dans la révolution. Ce pays, adossé à la mer et à la Loire, coupé de peu de routes, semé de villages, de hameaux et de châtellenies, s’était maintenu dans son ancien état féodal. Dans la Vendée, il n’y avait pas de lumières ni de civilisation, parce qu’il n’y avait pas de classe moyenne ; et il n’y avait pas de classe moyenne, parce qu’il n’y avait pas ou qu’il y avait peu de villes. La classe des paysans n’avait dès lors pas acquis d’au-