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Page:Mignet - Histoire de la Révolution française, 1838.djvu/235

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CONVENTION NATIONALE.

là, confondus avec les Montagnards, au milieu des cris et du désordre, ils votèrent tous ensemble la cassation des Douze et l’élargissement des prisonniers. Ce fut à minuit et demi, au bruit des applaudissements des tribunes et du peuple, que ce décret fut porté.

Peut-être eût-il été sage à la Gironde, puisqu’elle n’était réellement pas la plus forte, de ne point revenir sur cette délibération. Le mouvement de la veille ne devait pas avoir d’autre résultat que la suppression des Douze, si d’autres causes ne le prolongeaient pas davantage. Mais, à ce point de violence dans les animosités, il fallait que la querelle se vidât ; il fallait que les deux partis combattissent, puisqu’ils ne pouvaient plus se souffrir ; il fallait qu’ils marchassent de défaite en victoire, et de victoire en défaite, en s’exaltant chaque jour davantage, jusqu’à ce que le plus fort triomphât définitivement du plus faible. Le lendemain les membres de la droite regagnèrent le champ de bataille dans la convention ; ils firent rapporter le décret de la veille, comme illégalement rendu, dans le tumulte et sous l’oppression ; et la commission fut rétablie. « Vous aviez fait hier, leur dit alors Danton, un grand acte de justice. Mais, je vous l’annonce, si la commission conserve le pouvoir tyrannique qu’elle a exercé ; si les magistrats du peuple ne sont pas rendus à leurs fonctions ; si les bons citoyens ont encore à craindre les arrestations arbitraires, alors, après vous avoir prouvé que nous passons nos ennemis en prudence, en sagesse, nous les passerons en audace et en vigueur révolutionnaire. » Danton craignait d’engager le combat, et il redoutait autant le triomphe des Montagnards que celui des Girondins : aussi voulut-il tour à tour prévenir le 31 mai, et en modérer les résultats ; mais il se vit réduit à se joindre aux siens pendant le combat, à se taire après la victoire.

L’agitation, qui était un peu calmée par la suppression des Douze, devint menaçante à la nouvelle de leur rétablissement. Les tribunes des sections et des sociétés populaires retentirent d’invectives, de cris de danger, d’appel à l’insurrection. Hé-