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Page:Mignet - Histoire de la Révolution française, 1838.djvu/25

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INTRODUCTION.

ne put pas s’effectuer. L’exécution de cette dernière fut néanmoins assez bien conduite. Le même jour, toute la magistrature de France fut exilée, afin que la nouvelle organisation judiciaire pût avoir lieu. Le garde-des-sceaux dépouilla le parlement de Paris de ses attributions politiques pour en investir une cour plénière, ministériellement composée, et il réduisit sa compétence judiciaire en faveur des bailliages, dont il étendit le ressort. Mais l’opinion fut indignée, le Châtelet protesta, les provinces se soulevèrent, et la cour plénière ne put ni se former ni agir. Des troubles éclatèrent en Dauphiné, en Bretagne, en Provence, en Flandre, en Languedoc, en Béarn ; le ministère, au lieu de l’opposition régulière des parlements, rencontra une opposition plus animée et plus factieuse. La noblesse, le tiers, les états provinciaux, et jusqu’au clergé, en firent partie. Brienne, pressé par le besoin d’argent, avait convoqué une assemblée extraordinaire du clergé, qui fit sur-le-champ une adresse au roi pour lui demander l’abolition de sa cour plénière et le prompt retour des états-généraux ; eux seuls pouvaient désormais réparer le désordre des finances, assurer la dette publique, et terminer ces conflits d’autorité.

L’archevêque de Sens, par sa contestation avec le parlement, avait ajourné la difficulté financière, en créant une difficulté de pouvoir. Au moment où cette dernière cessa, l’autre reparut, et détermina sa retraite. N’obtenant ni impôts ni emprunt, ne pouvant pas faire usage de la cour plénière, ne voulant pas rappeler les parlements, Brienne essaya d’une dernière ressource, et promit les états-généraux. Mais, par ce moyen, il hâta sa perte. Il avait été appelé aux finances pour remédier à des embarras qu’il avait augmentés, pour trouver de l’argent qu’il n’avait pas pu obtenir. Loin de là, il avait exaspéré la nation, soulevé les corps de l’état, compromis l’autorité du gouvernement, et rendu inévitable le pire des moyens d’avoir de l’argent, selon la cour, les états-généraux ; il succomba le 25 août 1788. L’occasion de sa chute fut la suspension du paiement des rentes de l’état, ce qui était un commencement