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Page:Mignet - Histoire de la Révolution française, 1838.djvu/267

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CONVENTION NATIONALE.

— Était-ce un philosophe, un orateur, un poète ? Il lui convenait bien d’avoir plus de renommée que ceux qui gouvernaient ! Suspect. — Enfin, s’était-on acquis une réputation à la guerre ? On n’en était que plus dangereux par son talent. Il fallait se défaire du général ou l’éloigner promptement de l’armée. Suspect.

La mort naturelle d’un homme célèbre, ou seulement en place, était si rare, que les historiens la transmettaient comme un événement à la mémoire des siècles. La mort de tant de citoyens, innocents et recommandables, semblait une moindre calamité que l’insolence et la fortune scandaleuse de leurs meurtriers et de leurs dénonciateurs. Chaque jour le délateur sacré et inviolable faisait son entrée triomphale dans le palais des morts, en recueillait quelque riche succession. Tous ces dénonciateurs se paraient des plus beaux noms, se faisaient appeler Cotta, Scipion, Régulus, Sævius, Sévérus. Pour se signaler par un début illustre, le marquis Sérénus intenta une accusation de contre-révolution contre son vieux père déjà exilé, après quoi il se faisait appeler fièrement Brutus. Tels accusateurs, tels juges : les tribunaux, protecteurs de la vie et des propriétés, étaient devenus des boucheries, où ce qui portait le nom de supplice ou de confiscation n’était que vol et assassinat. »

Camille-Desmoulins ne se bornait pas à attaquer le régime révolutionnaire et dictatorial, il en demanda l’abolition ; il provoqua l’établissement d’un comité de clémence, comme le seul moyen de finir la révolution et de pacifier les partis. Son journal produisit beaucoup d’effet sur l’opinion ; il donna un peu d’espoir et de courage. On se demandait de toutes parts : Avez-vous lu le Vieux Cordelier ? En même temps, Fabre-d’Églantine, Lacroix, Bourdon de l’Oise excitaient la convention à secouer le joug du comité ; ils cherchaient à réunir la Montagne et la droite pour rétablir la liberté et la puissance de l’assemblée. Comme les comités étaient tout-puissants, ils essayèrent de les ruiner peu à peu ; c’était la marche qu’il fallait suivre. Il importait de changer l’opinion, d’encourager