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Page:Mignet - Histoire de la Révolution française, 1838.djvu/274

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RÉVOLUTION FRANÇAISE.

représentants du peuple. « Citoyens, dit Legendre, quatre membres de cette assemblée sont arrêtés de cette nuit : je sais que Danton en est un, j’ignore le nom des autres. Mais, citoyens, je le déclare, je crois Danton aussi pur que moi, et cependant il est dans les fers. On a craint sans doute que ses réponses ne détruisissent les accusations dirigées contre lui ; je demande, en conséquence, qu’avant que vous entendiez aucun rapport, les détenus soient mandés et entendus. » Cette motion fut écoutée avec faveur et donna un moment de courage à l’assemblée ; quelques membres demandèrent qu’on allât aux voix, mais cette bonne volonté dura peu. Robespierre parut à la tribune. « Au trouble depuis longtemps inconnu qui règne dans cette assemblée, dit-il, aux agitations qu’ont produites les paroles de celui que vous venez d’entendre, il est aisé de s’apercevoir qu’il s’agit ici d’un grand intérêt, qu’il s’agit de savoir si quelques hommes aujourd’hui l’emporteront sur la patrie. Nous verrons dans ce jour si la convention saura briser une prétendue idole pourrie depuis longtemps, ou si dans sa chute elle écrasera la convention et le peuple français ! » Et il lui suffit de quelques mots pour ramener le silence, la subordination dans l’assemblée, pour contenir les amis de Danton, et pour faire rétracter Legendre lui-même. Aussitôt après, Saint-Just entra dans la salle, suivi des autres membres des comités. Il lut contre les membres arrêtés un long rapport, dans lequel il accusa leurs opinions, leur conduite politique, leur vie privée, leurs projets, les faisant, par des rapprochements invraisemblables, mais subtils, complices de toutes les conspirations et serviteurs de tous les partis. L’assemblée, après l’avoir écouté sans murmure et avec une stupeur approbatrice, décréta à l’unanimité, et même avec des applaudissements, l’accusation de Danton et de ses amis. Chacun cherchait à gagner du temps avec la tyrannie, et lui livrait des têtes pour sauver la sienne.

Les accusés furent traduits devant le tribunal révolutionnaire ; ils y parurent avec une attitude courageuse et fière. Ils montrèrent une audace de propos et un mépris pour leurs