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Page:Mignet - Histoire de la Révolution française, 1838.djvu/472

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LES CENT JOURS. RÈGNE DE NAPOLÉON.

ment ; cent soixante mille soldats français peuvent en peu de jours être réunis sous les murs de la capitale, et leur fermer la retraite. Napoléon suit, sur sa carte et dans sa pensée la marche imprudente des ennemis, son génie guerrier se réveille encore une fois ; il écrit au gouvernement provisoire qu’il a conçu un plan infaillible pour les vaincre et les anéantir, il demande à combattre comme simple général : son offre est repoussée avec insulte par Fouché : l’empereur se résigne à quitter la France, et se dirige vers Rochefort, sous la garde du général Becker. Mais les croisières anglaises cinglent devant le port : abusé par une illusion étrange, Napoléon se flatte qu’une noble confiance de sa part triomphera des exigences absolues de la politique. Il monte avec sa suite sur le vaisseau anglais le Bellérophon, et de là, il écrit au prince régent, et lui demande la liberté de s’asseoir, comme un autre Thémistocle, au foyer du peuple britannique, en réclamant la protection de ses lois. La réponse à cette lettre est l’ordre de conduire l’illustre suppliant à Sainte-Hélène, et presque aussitôt, il cingle, pour le repos du monde, vers ce rocher, qui sera sa retraite, sa prison et son tombeau. C’est ainsi que cet homme prodigieux disparaît pour la seconde fois et pour toujours de l’horizon politique, laissant après lui un grand vide vinrent se heurter des passions dont le choc prolongea au loin d’effrayantes oscillations en Europe ; semblable à un immense navire qui, après avoir dominé sur les mers, est tout à coup englouti sous les eaux, et qui, en s’enfonçant dans le gouffre, fait longtemps encore bouillonner à la surface les vagues écumantes.