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Page:Mignet - Histoire de la Révolution française, 1838.djvu/476

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HISTOIRE DE LA RESTAURATION.

ils étaient eux-mêmes animés. La plupart des membres élus appartinrent en effet à l’opinion dite ultra-royaliste, et arrivèrent à la chambre, non seulement avec les idées les plus hostiles à la révolution, mais encore avec la soif de la vengeance et la confiance trop souvent téméraire que donne la victoire après une humiliante défaite.

C’est alors que se manifestèrent avec force les difficultés inextricables au milieu desquelles le gouvernement de la restauration se trouvait nécessairement engagé. En condamnant la chambre vindicative et réactionnaire de 1815, il ne faut pas cependant confondre avec la masse des hommes passionnés qui formèrent sa majorité, les esprits supérieurs qui cherchèrent, en la pénétrant de leurs doctrines, à donner à la France une organisation puisée dans des principes élevés, mais qui avaient cessé d’être en harmonie avec les mœurs, les lumières et les intérêts nationaux. Des hommes d’un beau caractère et d’un grand talent, tels que MM. de Bonald, Bergasse et Montlosier, figuraient à la tête de l’école royaliste et formulaient dans leurs écrits l’opinion dominante de la majorité de la chambre. Cette école cherchait la base de son système politique dans les faits consacrés par le temps plus que dans les droits. « Suivant elle, dit avec raison un écrivain à convictions généreuses et profondes, le libre arbitre des peuples ne doit s’exercer que dans une sphère limitée par un principe antérieur, qui ne tire point sa force de la vérité philosophique, mais d’un fait primitif, formant la base essentielle d’après laquelle l’état s’est développé ; il s’ensuit qu’à ses yeux un assentiment unanime ne légitimerait pas une révolution qui ne tiendrait suffisamment compte de tous les éléments constitutifs de l’histoire d’un peuple. Sous ce rapport, la liberté constitutionnelle est odieuse aux royalistes ; mais ils se complaisent à mettre, en regard de cette liberté, les vieilles franchises de la nation, des cités, des communes : celles-ci résultent en effet de concessions, d’octroi ou de conquête ; elles tirent leur source de l’histoire et non du droit, des faits et non des théories, et sont affectionnées des chefs de l’école