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Page:Mignet - Histoire de la Révolution française, 1838.djvu/497

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RÈGNE DE LOUIS XVIII.

honneurs et à la fortune, et c’est ainsi que le pouvoir, devenu trop souvent le prix d’une bassesse, perdit en divers endroits toute considération aux yeux du peuple. Les Français eurent le malheur d’accuser la religion des scandales de ceux qui l’outrageaient en l’invoquant ; ils s’en prirent à elle du joug honteux dont ils s’indignaient, et il fallut recourir à la force pour protéger les missionnaires contre les populations irritées. À Paris, à Brest, à Rouen, dans toutes les grandes villes, ils prêchèrent sous la protection des sabres et des baïonnettes, et l’on vit des prêtres appeler les châtiments de la justice humaine sur ceux qu’ils n’avaient pu convaincre par l’autorité de leur parole.

La congrégation redoubla d’efforts contre le ministère Richelieu, à l’ouverture de la session de 1821. Les libéraux crurent alors devoir s’unir aux ultra-royalistes pour renverser le cabinet, dans l’espoir dangereux que la majorité, arrivant à la direction des affaires, périrait, comme en 1815, par ses propres excès. L’adresse de la chambre, rédigée par des hommes de cette majorité, fut hostile et offensante pour le monarque ; et presque aussitôt après, M. de Richelieu ayant demandé de nouvelles rigueurs contre la presse, les royalistes, dont l’intérêt le plus pressant était de le renverser, affectèrent un zèle ardent pour la plus précieuse de nos libertés et une grande horreur de la censure ; semblables en ceci à un certain nombre de leurs adversaires, qui, naguère, humbles complaisants du despotisme impérial, s’étaient déguisés, à sa chute, en intrépides défenseurs des libertés publiques. La position du ministère n’était plus tenable, et il se retira le 15 décembre 1821, après vingt-trois mois d’existence. Une femme, dont le patronage favorisait les empiétements de la congrégation, et qui sut tenir Louis XVIII, jusqu’à la fin de ses jours, sous le charme d’une fascination voluptueuse, ne fut point étrangère à la formation du nouveau cabinet, dont les membres les plus influents furent M. de Peyronnet, garde-des-sceaux, M. de Villèle, ministre des finances, et M. de Corbière, ministre de l’intérieur ; le vicomte Mathieu de Montmorency obtint le porte-