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RÉVOLUTION DE 1830.

obstacle à l’exercice d’une autorité arbitraire et absolue. Plus cette crise alarmante se prolongeait, et plus les passions envenimées et furieuses menaçaient d’en rendre l’issue désastreuse ; la France, enfin, avait en perspective une guerre civile et toutes ses horreurs, et semblait ne pouvoir échapper à cette effroyable calamité que par une victoire rapide et assez complète pour assurer le maintien de ses institutions. Cette victoire fut celle des trois journées de juillet ; mais, quoique pure de tout excès, et bien que nous la considérions à juste titre comme un événement providentiel, ses résultats n’en étaient pas moins inséparables de grands et de nombreux dangers. Ce n’est en effet que dans des moments rapides et bien rares que les peuples s’élèvent au-dessus d’eux-mêmes, et que le profond sentiment d’un grand devoir peut imposer silence aux passions. Il y a d’ailleurs dans toutes les grandes capitales une masse considérable d’hommes ignorants et cupides, toujours prêts à se soulever contre un gouvernement quelconque, sans autre motif que celui de produire un changement qu’ils croient favorable à leur intérêt particulier : ces hommes, après le succès, sont prompts à déguiser leur égoïsme sous les noms les plus honorables, et sont aussi les plus ardents à réclamer pour leur conduite intéressée les récompenses qui ne sont dues qu’au patriotisme. Il est impossible que le gouvernement nouvellement établi contente les prétentions exagérées du plus grand nombre d’entre eux, et alors ceux qu’il n’a pu satisfaire lui vouent une haine implacable, et se montrent impatients de détruire leur propre ouvrage : ils sont secondés en cela par les partisans du gouvernement vaincu, et par plusieurs esprits vraiment nobles et généreux, mais faciles à s’abuser eux-mêmes, et qui, rêvant pour leur pays un bien-être à certains égards chimériques, avaient espéré voir jaillir sur-le-champ, d’une convulsion soudaine, d’immenses améliorations que le temps seul peut produire. Ils contribuent tous à enflammer les passions d’une multitude toujours avide de nouveautés, et la bercent d’illusions dangereuses ; ils exagèrent le tableau de ses souffrances, et lui parlent du triomphe qu’elle vient d’obte-