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Page:Mikhaël-Lazare - La Fiancée de Corinthe, 1888.djvu/41

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Démophos

Ne prononce pas son nom ; il pourrait jeter sur toi des enchantements. Vois Apollonia : depuis le jour mauvais où le prêtre l’a entraînée loin des autels, elle n’est plus venue visiter les vignes et nous avons connu des vendanges tristes. Elle a langui, pâle et affligée. Et maudit soit le mois où elle est morte, entourée de ces chrétiens !

Ménœchos

Jadis les femmes thessaliennes jetaient des charmes sur les hommes qu’elles haïssaient. Maintenant, on dirait que des magiciens puissants ont enchanté la Hellas entière et tout le vaste univers. Ils ont vaincu les anciennes évocatrices. Peut-être ont-ils vaincu les dieux qu’elles appelaient ; peut-être, à la voix des sorcières, Sélènè ne descendrait plus sur la terre, parce que Sélènè aurait vécu.

Démophos

Pourquoi ne serait-elle pas morte la déesse aux flèches d’argent ? Des présages inouïs troublent la terre et le ciel ; des bruits funèbres ont résonné parmi les chênes de Dodone et les hommes se répètent d’étranges récits. Un soir les pêcheurs qui viennent vendre leur poisson aux vignerons sont entrés en frissonnant dans la maison et leurs paroles nous ont glacés d’épouvante. Ce soir-là, Ménœchos, les vagues de la mer avaient rejeté sur le rivage le corps sacré d’une Néréide expirante. Elle tordait ses bras blancs et levait éperdûment ses mains divines vers les étoiles ; et, sur la plage où retentissaient des rumeurs mystérieuses, les pêcheurs avaient vu mourir la fille auguste du vieux Néreus.