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Page:Mille - Anthologie des humoristes français contemporains, 1920.djvu/126

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ANTHOLOGIE DES HUMORISTES

terez un morceau, près de la racine, assez gros pour qu’on y puisse trouver de quoi faire une tête de moyenne grosseur. Ayez bien soin de laisser l’écorce après. »

On apporte une belle bille de sapin. Le chirurgien fait venir Dubois, lui prend mesure de la tête, trace des lignes au crayon rouge sur la tête de bois et dit de faire un trait de scie à chaque ligne du haut en bas : ça formait un cube allongé dont un des côtés gardait l’écorce.

Le chirurgien prend de la terre glaise mouillée, en fait une grosse boule et l’ajuste sur le reste de la tête de Dubois.

Ce n’était guère beau, cet œil au milieu d’une boule de terre. Les soldats riaient :

« Riez ! riez ! dit le chirurgien, vous allez voir ! »

Il retire la boule de terre : elle avait en dessous l’empreinte du restant de la tête de Dubois.

« Venez ici, les tourneurs. Vous allez prendre le morceau de bois, et vous ferez en dessous tous les creux qu’il y a sous la boule. »

On fait comme il dit ; voilà le cube allongé qui s’ajuste sur le restant de la tête de Dubois ; on le lui met, le côté de l’écorce à la place de la figure.

L’œil faisait au milieu de tout ça un drôle d’effet : cependant c’était déjà mieux qu’auparavant, et même quelqu’un qui n’aurait pas su aurait très bien vu que c’était une tête qu’on avait voulu faire.

« Nous en resterons là pour aujourd’hui, dit le chirurgien : faut pas fatiguer Dubois, et puis faut que le bois sèche par l’effet de la chaleur animale. Surtout empêchez-le d’arracher l’écorce du visage, parce que le bois se fendillerait, et ça ferait un nid à poussière. »

Le chirurgien faisait passer Dubois à la visite