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Page:Mille - Anthologie des humoristes français contemporains, 1920.djvu/35

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HENRI MONNIER

costume ; oui, monsieur : j’ai vu MM. nos officiers en laine… c’était fort original ; mais c’était comme cela, il n’y avait pas à dire. J’ai vu Louis XVI, Mirabeau, le comte de Vergennes, Collot d’Herbois, toute la Convention, les girondins, et le siège, et la prise de la Bastille, la Fédération… Aussi je vous assure que rien de ce qui se fait de nos jours ne m’étonne.

La vieille dame. — Je crois bien, après toutes ces horreurs-là.

M. Prudhomme. — Vous avez aussi vu cela, vous, madame ?

La vieille dame. — Oui, monsieur, dans les bras de ma nourrice ; car vous n’avez pas, j’aime à le penser, la sotte prétention de me croire votre contemporaine ?

M. Prudhomme. — Non, certainement, madame.

La vieille dame. — J’ai beaucoup vu, aussi, moi, monsieur, certainement. J’ai vu le monde… le grand monde… ; j’ai rencontré des malotrus aussi… quelquefois… ; mais je ne me suis jamais trouvée, si ce n’est aujourd’hui, pour la première fois, avec des gens assez peu généreux pour laisser une portière ouverte, quand c’est une dame qui en réclame la fermeture.

M. Prudhomme. — Ah ! monsieur est militaire…

Le relais.

Le voyageur. — Conducteur ! ouvrez-nous la portière, s’il vous plaît ? (Des boiteux, des aveugles, un crétin et des scrofuleux se précipitent aux portières de la diligence.)

Une vieille femme. — N’oubliez pas, bonnes âmes