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Page:Mille - Anthologie des humoristes français contemporains, 1920.djvu/422

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M. Paul Bernard, dit Tristan Bernard, est né à Besançon le 7 septembre 1866.

Il fit ses études au lycée de Besançon et, à Paris, au lycée Condorcet. Il ne fut jamais un élève bien brillant. Au temps où il préparait des examens, ses parents décidèrent de lui faire donner des leçons de mathématiques, faculté dans laquelle ses progrès laissaient beaucoup à désirer.

Ils s’adressèrent à un jeune scientifique qui est devenu depuis, sans cesser pour cela de professer les sciences, un de nos plus spirituels dessinateurs humoristes : Cristophe, l’auteur de la Famille Fenouillard et du Sapeur Camenberg.

Tristan Bernard, lorsqu’il arrivait chez son répétiteur, lui demandait la permission de lui lire son dernier poème.

« Il me sera impossible de prendre une leçon fructueuse, déclarait-il, si vous n’écoutez pas mes vers. »

Cristophe — de son nom véritable M. Georges Colomb — écoutait donc le poème. Après quoi, consciencieusement, il donnait la leçon.

« C’est étonnant comme vous expliquez bien ! lui disait l’élève Bernard.

— Vous comprenez ?

— Pas un mot, mais je sens que ça doit être très clair. »

Le professeur finit par être pris de scrupules.

« Je vole l’argent de vos parents, dit-il un jour à son élève. Je ne veux plus vous donner de leçons. »

Tristan Bernard se gratta la tête :

« C’est que ça m’ennuierait beaucoup, moi, dit-il, de ne plus revenir vous voir. Écoutez. J’ai une idée. J’ai un parent pauvre à qui, j’en suis sûr, vos leçons feront le plus grand bien. À partir d’aujourd’hui je l’amènerai avec moi. Ainsi vos soins ne seront plus inutiles, et vous ne pourrez plus dire que vous volez l’argent de ma famille. »

À partir de ce jour, Tristan Bernard amena chaque fois avec lui, à la leçon, un jeune homme. Et tandis que celui-ci écoutait avec attention, Tristan Bernard, très occupé à faire des cocottes en papier, s’interrompait de temps en temps pour s’exclamer :