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Page:Milton - Le Paradis perdu, trad. de Chateaubriand, Renault et Cie, 1861.djvu/241

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minations, ses ministres, l’accompagnèrent jusqu’à la porte du ciel, d’où l’on aperçoit Éden et toute la côte en perspective : soudain il est descendu ; le temps ne mesure point la promptitude des dieux, bien qu’il soit ailé des plus rapides minutes.

Le soleil dans sa chute occidentale, était alors descendu du midi ; les vents légers, à leur heure marquée pour souffler sur la terre, s’éveillaient et introduisaient en elle la tranquille fraîcheur du soir. Dans ce moment, avec une colère plus tranquille, vint l’intercesseur et doux Juge pour sentencier l’homme. La voix de Dieu qui se promenait dans le jardin fut portée par les suaves brises à l’oreille d’Adam et d’Ève, au déclin du jour ; ils l’entendirent, et ils se cachèrent parmi les arbres les plus touffus. Mais Dieu s’approchant appelle Adam à haute voix :

« Adam, où es-tu, toi accoutumé à rencontrer avec joie ma venue, dès que tu la voyais de loin ? Je ne suis pas satisfait de ton absence ici. T’entretiens-tu, avec la solitude, là où naguère un devoir empressé te faisait paraître sans être cherché ? Me présenté-je avec moins d’éclat ? Quel changement cause ton absence ? Quel hasard t’arrête ? Viens. »

Il vint, et Ève à regret avec lui, quoiqu’elle eût été la première à offenser, tous deux interdits et décomposés. L’amour n’était dans leurs regards ni pour Dieu ni pour l’un l’autre ; mais on y apercevait le crime, la honte, le trouble, le désespoir, la colère, l’obstination, la haine et la tromperie. Adam, après avoir longtemps balbutié, répond en peu de mots :

« Je t’ai entendu dans le jardin, et j’ai eu peur de ta voix, parce que j’étais nu : c’est pourquoi je me suis caché. »

À quoi le Juge miséricordieux répliqua sans lui faire de reproche :

« Tu as souvent entendu ma voix et tu n’en as pas eu peur, mais elle t’a toujours réjoui : comment est-elle devenue pour toi si terrible ? Tu es nu, qui te l’a dit ? As-tu mangé du fruit de l’arbre dont je t’ai défendu de manger ? »

Adam, assiégé de misères, répondit :

« Ô ciel, dans quelle voie étroite je comparais ce jour devant