Aller au contenu

Page:Mirages-Renée de Brimont-1919.djvu/136

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


Dans ses doigts, enfant, dans ses doigts gît votre vie.
Désormais — sachez-le, petite parcelle éphémère —
vous serez un homme parmi les humains ;
vos pas laisseront des sillages d’envie,
vous mordrez à des grappes douces-amères,
vous verrez se disjoindre peu à peu des mains.

Vous apprendrez les aubes, les jours, les crépuscules,
et les nocturnes voix, et les musiques du silence,
et l’étreinte inquiète de notre Occident ;
vous dépouillerez l’arbre de la science,
et tour à tour séduit, ardent, imprudent,
vous chercherez la porte des nouvelles Jouvences…

Dormez, enfant ! Vous déchirerez la brume chaste
pour suivre les bleus feux-follets sous les aunes,
au bord des étangs glauques et pervers ;
et vous vous éprendrez de soleil et d’espace,
et les mille visages de l’univers
dans vos prunelles se refléteront, fugaces ;

vous serez vainqueur et vous serez esclave :
vous embarquerez sur la nef de joie,
cette nef sans pilote et sans avirons