Page:Mirbeau - Chez l’Illustre écrivain, 1919.djvu/109

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Oui, répondit gaiement ma voisine, ils en ont aussi en Angleterre.

Et elle continua :

— Vous connaissez sans doute cette délicieuse vallée de la Tamise, ces prairies si vertes, ces arbres si admirables, ces villas si jolies ? Mais, l’hiver, à neuf heures et demie du soir, il est difficile de jouir de cette beauté. Il pleuvait un peu, une petite pluie fine, que le vent fouettait et qui vous pénétrait, à travers les vêtements, jusqu’au corps.

— Heureuse pluie, songeai-je. Mais je me gardai bien d’exprimer cette exclamation, car, à tout prendre, je ne suis pas vaudevilliste et le commis voyageur d’autrefois qu’on prétend que je suis…

Ma voisine poursuivait d’une voix de plus en plus prenante :

— Bien qu’il ne fallût que dix minutes à peine pour me rendre chez mon amie, le chemin me paraissait bien long, et surtout bien désert… Vous savez ce que c’est, n’est-ce pas, que les « roads » anglais ?… D’un côté de celui-là, un grand parc, avec d’immenses arbres noirs ; de l’autre, des villas dans leurs jardins noyés de silence et de nuit. De-ci, de-là, une voie latérale, conduisant au village. Tout cela, bien tranquille, trop, même, car il y avait alors la terreur des « Hooligans » et j’en avais entendu parler dans le train… Je me presse… je vais… je vais… Bien