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Page:Mirbeau - Chez l’Illustre écrivain, 1919.djvu/52

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élégants, demanda, non sans ironie :

— Vous avez des tuyaux ?

— Non, j’ai deux impressions… Et elles me suffisent !

— Des impressions ! s’écria l’Illustre Écrivain… Est-ce qu’on a le droit d’avoir des impressions dans une telle affaire ?… Il faut des certitudes !

— Quoi d’autre que des impressions avez-vous donc, vous, pour le croire coupable ?

— Une sentence ! prononça l’Illustre Écrivain, sur un ton de mélodrame.

— Une sentence !… Elle a été rendue par des hommes !

— Non, par des soldats !

— Ce sont deux fois des hommes !…

Une colère monta au visage de l’Illustre Écrivain. Et il dit :

— Allez-vous donc suspecter le jugement d’un conseil de guerre ?

— Dieu m’en garde !… Mais les juges peuvent s’être trompés… Qu’ils portent une robe rouge ou un dolman, il arrive, hélas !… il est arrivé que des juges se soient trompés !…

— C’est antinational, ce que vous dites là !… C’est monstrueux !… Même ici vous n’avez pas le droit d’exprimer cette opinion !…

— Pourquoi n’aurais-je pas le droit d’exprimer ce qui est dans mon esprit et dans mon cœur ?

— Parce que… parce que… la justice est au-dessus de tout !