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Page:Mirbeau - L’Abbé Jules, éd. 22, Ollendorff.djvu/223

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C’est-y point des bêtes comme il n’en existe plus, depuis Notre Seigneur Jésus-Christ ?… Ainsi, Madame, moi qui vous parle, quand j’étais petite, un jour, mon père, dans un bois, vit une bête… Oh ! mais une bête extraordinaire !… Elle avait un museau long, long comme une broche, une queue comme un plumeau, et des jambes, bonté divine ! des jambes comme des pelles à feu !… Mon père n’a point bougé et la bête est partie… Mais si mon père avait bougé, la bête l’aurait mangé… Eh ben ! moi, je crois que c’est une bête comme ça, qu’est dans la malle…

— Allons, allons ! faisait ma mère, en riant du bout de ses lèvres amincies… Vous dites des bêtises, Victoire…

— Des bêtises ! ma chère dame ! s’exclamait la bonne, scandalisée du scepticisme de sa maîtresse… non, on ne m’ôtera pas de l’idée qu’il y a des diableries aux Capucins… Ainsi, l’autre jour, la sonnette de la porte… une grosse sonnette… est tombée sur la tête de Madeleine… Eh bien ! ma chère dame, Madeleine n’a rien eu à la tête, et c’est la sonnette qui n’a plus sonné… V’là comment qu’ça se passe, chez votre beau-frère.

Au fond, Victoire trouvait tous ces phénomènes justes et normaux, et elle ne s’en étonnait pas, sachant, par son amie, qu’il n’y avait pas, dans toute la maison, un seul objet de sainteté. On y eût vainement cherché un crucifix, une image de la Vierge, un bénitier, une médaille, un rameau de buis. Et jamais on n’avait