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Page:Mirbeau - Lettres de ma chaumière.djvu/183

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trop commun pour le valet de chambre d’un banquier, il avait prié son maître de lui attribuer celui, beaucoup plus distingué, de Justin. À l’office, on disait : « Monsieur Justin ».

M. Justin éprouva le besoin de venir passer quelques jours au pays, afin d’y étaler le luxe de ses jaquettes, de ses chaînes de montre, et de ses souliers vernis. Il voulait jouir de l’étonnement de ses pauvres compatriotes, de la curiosité et du respect que ne manquerait pas de susciter, parmi tous ces paysans ahuris, la correction de sa tenue. Il fit une malle de ce qu’il possédait de plus précieux en cravates, gilets, pantalons, et partit pour Freulemont. Le père Dugué, ses outils sur l’épaule, revenait de la besogne journalière, quand la voiture qui amenait monsieur Justin de la gare, s’arrêta devant la maison. M. Justin en descendit prestement et s’avança vers son père, en souriant. Mais Dugué, d’un geste, empêcha l’effusion du retour. Il examina son fils des pieds à la tête, avec un air