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Page:Mirbeau - Lettres de ma chaumière.djvu/192

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tements, sur laquelle les hommes, les idées et les siècles passent sans y laisser la trace de leurs querelles, de leurs avortements, de leurs ruines, la « tè » où bientôt il reposerait ses bras, devenus trop faibles pour l’étreindre, où il coucherait ses reins devenus trop vieux pour la féconder. Les blés remuaient doucement, froissant leurs chaumes, les avoines pâlissaient, ondulaient, pareilles à la brume légère qui monte des prairies, les trèfles qu’un reste de lumière frisante accrochait, saignaient par places, et dans la rougeur du couchant, les pommiers tordaient leurs chevelures fantastiques ou montraient leurs profils grimaçants de sorcières. Une femme passa qui chassait sa vache à coups de gaule ; il entendit le piétinement d’un troupeau de moutons qui rentrait à la bergerie, puis une voix lente qui s’éloignait, chantonnant :


Fauche à la pluie, camarade,
Fane au soleil, l’foin est bon.