Aller au contenu

Page:Mirbeau - Lettres de ma chaumière.djvu/237

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dans l’âme quelque chose de la douceur indécise et triste d’un rêve. Et, comme il ne se mêlait à ses souvenirs que des images riantes, des résurrections de joies tranquilles et sans remords, au bout d’une année, la douleur s’endormit, en quelque sorte bercée par sa tendresse même.

Ce fut vers cette époque que Jacques de Perseigne, au retour d’un long voyage à travers le monde, s’en vint passer tout un été chez sa mère, à Perseigne. Perseigne n’était éloigné de Savoise que d’une lieue. De même que les deux domaines se touchaient, se confondaient presque, de même une étroite intimité unissait les deux familles qui, durant les mois de villégiature, avaient accoutumé de se voir, à peu près chaque soir. La marquise, surtout après le malheur de Marcelle, avait redoublé de dévouement, et cette affection vigilante, mêlée de tendresses et de bourrades, ces caresses endormeuses qu’ont les vieilles gens, avaient été pour beaucoup dans l’apaisement des