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Page:Mirbeau - Lettres de ma chaumière.djvu/29

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rance électorale, bouges de corruption administrative, marqués au gros numéro du gouvernement.

Le cabaret non seulement donne à boire, mais il donne à jouer aussi — de grosses parties où le paysan, sur un coup de cartes, risque ses économies, sa vache, son champ, sa maison, où il y a des filous qui trichent et des usuriers qui volent, toute une organisation spéciale et qui fonctionne le mieux du monde. À part le luxe, les tapis, les torchères dorées, les tableaux de prix, les valets de pied en culotte courte et les colonels décorés, on se croirait dans certaines maisons borgnes de Paris. Ce sont mêmes passions hideuses, mêmes avidités, mêmes effondrements ; la vie du cercle, enfin. C’est là que le paysan, à la lueur trouble d’une chandelle qui fume, les coudes allongés sur une table de bois blanc, en face des portraits de Gambetta, de Mazeppa et de Poniatowski accrochés aux murs, c’est là qu’il passe ses nuits, avalant des verres de tord-boyaux,