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Page:Moke - Le Gueux de Mer ou La Belgique sous le Duc d'Albe, sd.djvu/104

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partie du bordage ; alors une large voie d’eau se déclara, et dans un moment la petite chambre fut entièrement inondée. Marguerite et sa tante appelèrent au secours ; mais le bruit de l’artillerie ne permettait pas d’entendre leur faible voix. Elles essayèrent enfin d’enfoncer la porte de leur cabine ; mais leurs forces réunies ne parvinrent pas même à l’ébranler.

— C’en est fait, dit la vieille dame : préparons-nous à mourir.

Elles s’agenouillèrent au milieu de l’eau qui s’élevait sans cesse, et attendirent quelques moments avec résignation le terme de leur existence. Déjà leurs forces diminuaient d’une manière effrayante, et elles sentaient un froid mortel se glisser dans leurs veines, quand tout à coup leur porte s’ouvrit. Elles virent entrer un homme couvert de sang et d’écume ; l’eau de la mer découlait encore de ses habits et de ses longs cheveux ; sa figure était pâle, ses mains brûlées par la poudre ; mais à son regard toutes deux reconnurent leur libérateur.

— Sortez ! s’écria-t-il, hâtez-vous de sortir ! Je ne vous laisserai pas plus longtemps en danger.

Les dames ne répondaient pas, elles ne firent aucun mouvement ; il fallut qu’on les portât sur le pont.

Le spectacle qui s’offrit alors à leurs yeux était bien différent de celui qu’elles avaient tant admiré. Les gros navires de guerre espagnols, engagés entre des bas-fonds d’où il leur était impossible de se tirer,