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Page:Moke - Le Gueux de Mer ou La Belgique sous le Duc d'Albe, sd.djvu/144

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riches équipages ; mille divertissements, inconnus ailleurs, amusent le peuple et lui donnent un caractère plus gai et plus aimable : enfin Bruxelles est le séjour de la magnificence et du bonheur.

Mais à mesure qu’on approchait de cette capitale le spectacle qui s’offrit aux regards des deux dames répondait bien mal à la description de la baronne : les campagnes d’alentour étaient dévastées et l’incendie avait dévoré les maisons des cultivateurs ; une troupe nombreuse de soldats étrangers, postée à l’entrée de la ville, arrêtait tous les voyageurs, les interrogeait et rançonnait le plus grand nombre. Cependant ils laissèrent passer librement le carrosse de la douairière ; car, n’apercevant aucune espèce de bagage, ils ne doutèrent point que ces dames ne fussent de Bruxelles.

Elles entrèrent dans la ville. Cette cité, naguère si populeuse, paraissait maintenant déserte ; car le petit nombre d’habitants qui n’avaient pas pris la fuite se tenaient autant que possible renfermé dans l’intérieur de leurs maisons. Si l’on en rencontrait quelques-uns, que des affaires pressantes eussent obligés de sortir, leurs regards pleins de défiance trahissaient leurs inquiétudes continuelles ; ils marchaient seuls, enveloppés de leurs manteaux, le chapeau enfoncé sur les yeux, évitant la rencontre de leurs amis les plus chers et choisissant de préférence les rues les plus écartées. Ce n’était plus ce peuple franc et joyeux qui avait su acquérir l’abondance et en jouir : c’étaient de misérables esclaves, soumis à