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Page:Moke - Le Gueux de Mer ou La Belgique sous le Duc d'Albe, sd.djvu/156

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l’intrépide Zélandais se jeta dans l’eau pour travailler à dégager la carène. On ne pouvait plus apercevoir sa tête cachée par les roseaux, mais on entendait sa voix de tonnerre répéter plus haut que toutes les autres le cri des marins : oh, hi ! oh, oh !

Quand la besogne fut achevée, le propriétaire du bateau, qui était présent, fit apporter sur le lieu quelques tonnes de bière pour régaler les travailleurs ; il voulut aussi faire accepter une récompense à Dirk Dirkensen : mais le vieux marin ne l’écoutait pas ; en se jetant dans cette eau boueuse, il n’avait pas songé à ses bas de soie et à ses culottes de velours rouge, qui se trouvaient maintenant entièrement gâtés. Consterné de cette perte, il ne pouvait se soulager qu’en jurant contre lui-même et contre les autres.

Voilà ce que c’est, disait-il, que de quitter les habits de son état : mille diables ! j’avais bien affaire de venir dans ce pays d’eau douce ! Le poisson ne peut vivre longtemps sur le sable, et moi j’ai cru comme un sot qu’il ne m’arriverait pas de malheur dans une ville que ne baigne point la mer. Et ces fainéants qui m’ont laissé tout le mal ! Le tonnerre m’écrase si je cours une seule bordée pour leur rendre encore service !

Comme il achevait ces mots une troupe de prisonniers, conduite par des soldats espagnols, vint à passer près du rempart, et quelques-uns des ouvriers poussèrent de grands cris. Hélas ! disait l’un, voilà ma femme que l’on traîne dans cette horrible prison. C’est mon père, s’écriait l’autre. Un troisième reconnaissait ses enfants.