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Page:Moke - Le Gueux de Mer ou La Belgique sous le Duc d'Albe, sd.djvu/181

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vous allez apprendre tout ce qu’il m’est permis de vous découvrir.

Ils s’assirent à côté l’un de l’autre sur un large sofa, et don Alonzo commença ainsi son histoire :

« Ma mère était Africaine, mais elle ne ressemblait point à cette race dégradée dont trafiquent vos marchands : quoique noire, elle avait ces traits nobles et gracieux qu’on admire dans les plus belles nations de l’Europe. C’est qu’elle n’avait point reçu le jour sur la côte de Guinée, mais dans la partie orientale de l’Afrique, chez les descendants des Éthiopiens.

» Fille d’un roi, elle avait épousé le chef d’une de ces tribus errantes qui parcourent le grand désert et se nourrissent de la chair des lions. Une sécheresse extraordinaire amena cette tribu en deçà du Mont Atlas, dont les sommets neigeux avaient toujours été le terme de ses courses. Les nomades s’approchèrent pour la première fois des bords de l’Océan, et l’admiration les retint assez longtemps sur ce rivage. Ce fut le malheur de ma mère : une attaque nocturne la mit au pouvoir d’un parti d’Espagnols qui avait fait une descente sur cette côte.

» Elle devint l’esclave d’un guerrier fameux, doué de toutes les qualités et qui les a toutes rendues funestes. Aimée de lui, elle put l’aimer sans honte ; car c’eût été le plus grand des hommes, s’il n’en était pas le plus cruel.

» Cette passion rendit ma mère la plus malheureuse des femmes ; elle fit aussi le supplice de son