verneur touchait à son terme. Encouragé par cette idée, le président Viglius, qui d’ailleurs avait des amis puissants à la cour d’Espagne, prit la parole : — La liberté des opinions qui a toujours régné au conseil d’État…
— Au fait ! s’écria le duc.
Le président ne parut pas prendre garde à cette interruption ; seulement il baissa la tête encore un peu davantage, comme s’il eût voulu présenter à l’Espagnol son crâne chauve et osseux en guise de bouclier.
— La liberté des opinions qui a toujours régné au conseil d’État, reprit-il, en élevant la voix, m’autorise à déclarer à Votre Excellence que ce moyen me paraît impraticable. Les Pays-Bas ont trop souffert pour que le peuple puisse acquitter des tributs si exorbitants. Le commerce est détruit, l’agriculture abandonnée ; les villes deviennent désertes…
— Traître ! s’écria le duc en portant la main à son épée, est-ce là le langage d’un sujet fidèle ![1]
Le Frison, devenant plus hardi à mesure qu’on le menaçait, répondit d’une voix ferme : Monseigneur, ni Charles-Quint, ni don Philippe n’ont jamais révoqué en doute ma fidélité.
— Prouvez-la donc en vous soumettant.
Viglius releva la tête, mit la main droite sur son cœur, et, levant l’autre vers le ciel : À Dieu et au Roi,
- ↑ On peut voir, au sujet de la colère du duc d’Albe contre Viglius, les lettres 146 et suivantes de ce dernier, et son histoire de l’imposition du dixième denier.