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Page:Moke - Le Gueux de Mer ou La Belgique sous le Duc d'Albe, sd.djvu/215

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Pour la seconde fois le duc d’Albe sentit sa vanité blessée et il fut sur le point d’éclater ; mais, se maîtrisant aussitôt, il jeta un nouveau regard sur celui qui lui parlait avec tant de hardiesse et il remarqua les quatre croix[1] ciselées sur le pommeau de son glaive. Surpris et charmé de cette découverte : — Vous vous cachez vainement, reprit-il, vos traits révèlent votre origine, et votre conduite l’atteste ; vous êtes un Gruthuysen.

— Oui, répondit le jeune homme en rougissant, je suis le dernier rejeton de cette noble famille : on me nomme Louis de Bruges, comte de Winchestre.

— Et comment se porte votre respectable aïeul? demanda l’Espagnol, habile dans l’art de feindre la bienveillance. Je me souviens que, dans une occasion bien dangereuse, il me rendit autrefois le même service que vous m’avez rendu hier. Comme vous il ne voulut pas se faire connaître, et son courage le trahit comme vous : car il est impossible à l’aigle d’abaisser son vol, au lion d’affaiblir ses coups, au héros d’enchaîner son courage.

Quelque flatteuses que fussent ces expressions, elles ne furent point agréables au Flamand. Il s’indignait tout bas d’entendre le plus cruel ministre d’un despote faire l’éloge de sa famille.

— Mon aïeul, répondit-il froidement, venait d’échapper à une maladie dangereuse lorsque j’ai quitté Bruges.

  1. Les armes des Gruthuysen se composaient de quatre croix dont deux droites et deux inclinées.