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Page:Moke - Le Gueux de Mer ou La Belgique sous le Duc d'Albe, sd.djvu/273

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un crime. Tyran, fais-moi périr, mais épargne une multitude aveugle.

— Qui es-tu ? demanda le duc.

— Je suis l’échevin Pierre Brouwer.

— Sois content, tu mourras ! mais ce n’est point assez que du sang, il me faut de l’or.

— Imposez vous-même la somme qu’il vous plaira, monseigneur ; nous ferons tous les sacrifices.

— Bien ! fort bien ! j’y réfléchirai. Mais, regardez de ce côté, messieurs, et dites-moi ce que c’est que cette fumée qui s’élève là-bas.

Les malheureux députés retournèrent la tête et virent la flamme qui dévorait quelques maisons de leur ville. Ils pâlirent et une morne stupeur se peignit sur leur figure : ils ne poussèrent pas un gémissement, ils ne versèrent pas une larme, leur douleur était trop profonde.

— Il me semble, dit Ferdinand de Tolède, dont les yeux brillaient d’une horrible satisfaction, que mes soldats mettent un peu de désordre dans votre cité.

Personne ne répondit ; mais l’échevin Pierre Brouwer, saisissant la pique d’un soldat, la brandit et la lança avec tant de force contre le duc d’Albe que, si un officier ne se fût jeté au devant du coup, c’en était fait du tyran.

L’officier, percé de part en part, tomba sans vie aux pieds de l’homme impitoyable dont il avait sauvé les jours, tandis que les gardes furieux massacraient le brave Pierre Brouwer, qui mourut avec le regret de n’avoir pas vengé sa patrie.